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Avec

Pierre Zaoui
Maître de conférences en philosophie à l'Université Paris 7
Ancien agrégé-répétiteur à l'ENS-Paris
et
Laurent de Sutter
FWO Senior Researcher à la Vrije Universiteit Brussel
Enseignant aux Facultés Universitaires Saint-Louis (Bruxelles) et à la Cardozo Law School (New York).

Pierre Zaoui
Quelle valeur accorder au bonheur?
Depuis plus de deux siècles, c'est peu dire que nous piétinons sur la question du bonheur. Ce n'est évidemment pas celle de savoir comment être heureux — à celle-là personne n'a jamais su répondre, à part les heureux qui ne se l'ont jamais posée. Mais la question de savoir quelle valeur accorder au bonheur.
Pendant des siècles et des siècles, le bonheur a été considéré comme bien peu de choses face aux désirs de puissance, de volupté, de connaissance ou de salut. Mais les révolutionnaires américains ont décrété le juste droit de chacun à la "poursuite du bonheur". Et lors de la Révolution française Saint Just les a suivis, déclarant que "le bonheur était une idée neuve en Europe". Mais quelle valeur accorder encore à une telle idée en régime capitaliste? Certains économistes, notamment Amartya Sen ou la récente commission Stiglitz et Fitoussi, cherchent à élaborer, contre le PIB et son idéologie productiviste identifiant croissance et bonheur du plus grand nombre, un autre concept de bonheur, et notamment à valoriser les indicateurs de bien-être (Indicateur de Développement humain, Indicateur de Progrès Véritable, et d'autres) prenant en compte non seulement la croissance mais aussi l'éducation, l'espérance de vie ou les statistiques de satisfaction des citoyens. Mais il n'est pas sûr que le bonheur puisse s'identifier au bien-être ou à la satisfaction, c'est-à-dire puisse être valorisé en des termes encore économiques. C'est en tout cas ce problème d'une conception crédible du bonheur dans nos économies modernes que nous aimerions discuter: que vaut d'être heureux en régime capitaliste?

Laurent de Sutter
Chinoiseries sur le bonheur
Le bonheur est une des obsessions les plus insistantes de l’époque. De la publicité aux traités de développement personnel, des magazines féminins aux romances populaires, toutes les chambres d’écho de la sensibilité contemporaine le répètent: nous avons droit au bonheur – il suffit de le vouloir pour l’obtenir. Mais la répétition obsessionnelle de ce mantra ressemble d’avantage à une nouvelle application de l’immémoriale méthode Coué qu’à autre chose. A savoir que c’est précisément parce l’époque sait très bien que le bonheur ne s’obtient pas si aisément qu’elle affirme dur comme fer le contraire. Non seulement, pressent-elle, il ne suffit pas de vouloir le bonheur pour l’obtenir – mais il y a de fortes raisons de croire que cette obtention relèvera à jamais de l’impossibilité la plus complète. Tel est le soupçon qui s’exprime de manière subreptice dans l’affirmation obsessionnelle du droit au bonheur: et si le bonheur n’existait pas? C’est ce soupçon qui, semble-t-il, rend l’époque si soucieuse d’explorer toutes les solutions pouvant fournir l’espoir, aussi fragile que craintif, de le dissiper. Pourtant, face à la possibilité de l’impossibilité du bonheur, il est permis d’envisager d’autres réponses que le ressassement angoissé de son rêve de réalisation. Parmi celles-ci, les Chinois ont investigué la plus radicale: l’ignorance absolue de l’idée même de bonheur – c’est-à-dire de l’idée, dont Emmanuel Kant a donné la formulation canonique, de la « satisfaction de toutes nos inclinations. » Car en effet l’idée de bonheur implique toujours le triomphe absolu du plein (la satisfaction) sur le vide (le désir), là où les Chinois n’ont jamais cessé d’affirmer l’interdépendance de celui-ci (Yang) avec celui-là (Yin). Et si, en effet, ils avaient raison?

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