Le mépris de l’enfance (1) : constats Billet de blog 22 nov. 2021 Dr BB Pédopsychiatre en CMPP Médiapart

Le rapport de la Défenseure des Droits concernant la santé mentale des enfants vient à nouveau mettre en exergue une situation affligeante de délaissement et de mépris aux conséquences dramatiques. Au-delà la satisfaction éhontée de nos gouvernants, le retour des pratiques confirme le saccage de toutes les institutions en charge de l’enfance. Comment est-il possible de le tolérer ?

Dr BB

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A l’heure où la Défenseure des Droits, Claire Hédon, publie un rapport sur la santé mentale des enfants, il parait plus que nécessaire de dévoiler les hypocrisies, les incohérences et les discordances entre les discours officiels et la réalité rencontrée sur le terrain des pratiques. De fait, en tant que professionnels, nous constatons, de manière tout à fait évidente et tragique, un délaissement de plus en plus généralisé d’enfants et d’adolescents en souffrance. 

Cependant, rappelons qu’Emmanuel Macron avait fait du handicap une « grande cause du quinquennat », promettant notamment de ne laisser aucun enfant sans solution…

Au-delà du vernis, examinons les faits. 

Tout d’abord, que nous apprend le rapport de la Défenseure des Droits ? Pas grand-chose en réalité, mais il est toujours utile de revenir, encore et encore, sur des constations déjà établies, afin d’espérer les rendre plus audibles. 

Ainsi, il est d’emblée rappelé que « le défaut de prise en charge des troubles de santé mentale et les manquements aux droits qui en découlent constituent une entrave au bon développement de l’enfant et à son intérêt supérieur, que deux années de vagues épidémiques ont contribué à aggraver ». Par ailleurs, « les nombreuses saisines traitées par l’institution soulignent de manière récurrente le manque de professionnels du soin et de structures adaptées ». 

En conséquence, il est dénoncé le « manque de psychologues, de médecins et d’infirmiers scolaires », des « listes d’attente de plusieurs mois voire années pour intégrer un suivi en centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), ou un institut médico-éducatif (IME) », un « manque de places en pédopsychiatrie », de « fortes disparités territoriales, etc. « .

Cette situation n’est pas nouvelle, et avait déjà été largement documentée par un rapport de l’IGAS datant de 2018, ou encore par un rapport du Sénat datant de 2017

En ce qui concerne l’Aide Sociale à l’Enfance, tous les indicateurs sont au rouge depuis des années, comme le rappelle par exemple un éducateur spécialisé : « L’état des foyers est semblable à un bateau qui coule, l’état de l’ASE à une épave au fond de l’eau. On le sait tous, on le vit tous, les enfants en subissent les conséquences et notre santé psychique aussi ». « Tous les intervenants qui accompagnent des enfants ont pu montrer la détresse dans laquelle ils sont ». « Si l’on devait juger une société au traitement de ses enfants les plus en difficulté, quelle honte pour la nôtre ! ». 

Et du côté de l’Education Nationale, les professionnels de terrain expriment les mêmes inquiétudes, à l’instar de Fazia Bensaadi, professeure en collège : « Nous subissons une vague de violence quasi généralisée qui semble nous submerger. Les élèves décrochent et s’absentent. L’eau monte rapidement, mais cette fois-ci, une promesse de décrue semble illusoire. Cet instinct est collectif et il ne s’est jamais exprimé aussi clairement que depuis septembre : la situation nous échappe, une digue a sauté quelque part, et nous faisons face dans une solitude désarmante ». « Ces alertes, émises et relayées par des organisations syndicales viennent donc bien confirmer qu’il est question d’une dégradation globale du climat scolaire, et non de ressentis d’équipes éducatives dans leurs établissements propres ». 

Ainsi, la crise pandémique et les différents confinements sont venus mettre en exergue des fragilités structurelles dans toutes les institutions prenant en charge les enfants, du fait de délaissements éhontés depuis des années par les pouvoirs publics.

Comme le souligne à nouveau Fazia Bensaadi, la tendance est désormais au désinvestissement généralisé : « l’école à distance a créé une sorte de précédent dans l’imaginaire ». « La perte de sens induite par les deux dernières années et les évènements qui y sont associés s’est enracinée chez certains adolescents qui ne parviennent plus à trouver du sens dans leur parcours scolaire ». 

Les conséquences délétères du port du masque des professionnels de crèche ou de maternelle sur le développement infantile sont largement documentées, en particulier en ce qui concerne l’apprentissage du langage…Cependant, le statut quo persiste. Pourquoi ne pas autoriser les personnels vaccinés à retirer leur masque pour interagir avec les enfants ?

Par ailleurs, les campagnes systématiques de dépistage du COVID-19 dans les écoles conduisent désormais à des fermetures de classes en cascade – il suffit d’un seul cas positif. Pourquoi ce type de protocoles n’est-il pas appliqué aux entrepôts d’Amazon ou au PSG ? Les enfants doivent-ils être la seule variable d’ajustement des compromissions et pleutreries gouvernementales ?

Et que dire des conditions réelles de l’inclusion scolaire ? 400 000 élèves en situation de handicap fréquentent officiellement l’école « ordinaire », soit une augmentation de 19% en 5 ans. Mais, au-delà des chiffres, combien parmi eux sont réellement scolarisés de façon suffisante, stable et pérenne, combien profitent réellement de ce dispositif, combien bénéficient d’un accompagnement adapté par des professionnels formés ? Les témoignages de terrain rapportent des intégrations de quelques heures par semaines, sans aide humaine à la scolarisation, la vacance itérative des coordinateurs dans les ULIS, la carence des postes spécialisés confiés à des contractuels non formés, la précarisation instituée des AESH, le rejet et la relégation de certains élèves, quand il ne s’agit pas d’exclusion arbitraire en toute impunité, etc.

La Défenseure des Droits s’inquiète d’ailleurs des retours de terrain témoignant d’une « approche des troubles du comportement sous un angle disciplinaire » dans les écoles « inclusives ». Néanmoins, « les auditions des deux institutions indépendantes ont révélé que lorsque l’établissement scolaire répond à coups de sanctions disciplinaires, allant jusqu’à l’exclusion, les conséquences peuvent être dramatiques pour la santé mentale de ces enfants en raison du sentiment de mise à l’écart, sans parler des préjudices pour la suite de leur parcours scolaire« …

Au passage, rappelons également, à l’instar de la Défenseure des Droits, le délabrement inique de la médecine scolaire : « 69% de taux d’occupation des postes de médecins scolaires en 2020 contre 83% en 2013… ». 

De surcroit, le mal-être psychique en rapport – entre autres – avec l’épidémie de COVID est venu se fracasser contre l’affligeant état de saturation des structures pédopsychiatriques, incapables de faire face à la détresse massive des enfants et des adolescents dans notre pays. Cependant, les « réponses » apportées par les pouvoirs publics sont aux mieux insuffisantes, aux pires aberrantes pour ne pas dire méprisantes. 

Voici par exemple quelques propositions ayant émerger des « Assises de la Santé Mentale » : 

• « Amplifier le déploiement des premiers secours en santé mentale PSSM (notamment auprès des jeunes et des enfants) » : « Être secouriste en santé mentale, c’est apprendre à réagir face à une détresse psychique et entrer en relation avec les personnes » …. « Deux nouveaux modules seront diffusés en 2021 et 2022 : Youth (destiné aux professionnels travaillant avec des adolescents) et Teen (former les adolescents pour une aide par les pairs) pour les développer en milieux scolaire et éducatif » …Sans commentaire – enfin, quand même, si : ils nous prennent vraiment pour des cons !

• Mais rassurons-nous, la Science va venir à notre secours, grâce à la création du « centre E-CARE de prise en charge et de recherche sur l’enfant » ainsi que d’un « Institut du cerveau de l’enfant », se basant sur le constat univoque et incontestable que « un enfant sur 6 a un trouble neuro-développemental ». Les Assises s’enorgueillissent également de « la création depuis 2019 de 5 centres d’excellence autisme et troubles du neurodéveloppement », et souligne le fait que l’Éducation nationale se soit « dotée d’un conseil scientifique pour penser les apprentissages »…De facto, il faut prioritairement « soutenir la recherche et les innovations numériques en santé mentale : un impératif et une opportunité (sic) pour la filière de santé mentale »…C’est sûrement ainsi que l’on va véritablement aider tous les enfants (1 sur 5) qui vivent sous le seuil de pauvreté. D’après le rapport de la Défenseure des Droits, « les professionnels du médico-social sont de plus en plus confrontés à la souffrance psychique liée à la précarité et à la pauvreté. D’après l’INSEE, en 2018, 9,3 millions de personnes vivaient en-dessous du seuil de pauvreté en France, dont 2,9 millions d’enfants. Si des chiffres plus récents de l’INSEE ne sont pas encore disponibles, les études montrent que ce nombre augmente depuis 2018 ». Merci Macron !

• Enfin, les « Assises » préconisent également de « soutenir l’innovation organisationnelle en psychiatrie », à travers notamment « la réforme du financement de la psychiatrie » ayant pour objectif « de corriger les effets pervers des modalités de tarification actuelles », ou « de garantir la qualité des prises en charge et de soutenir les efforts d’innovation des établissements ». Dans les faits, il s’agit d’abandonner le mode de financement actuel par « dotation annuelle de financement », de répartir les financements « à enveloppe fermée » sans augmentation de moyens, d’introduire un financement « par compartiments » tels que par exemple une dotation à l’activité, en favorisant ainsi les évaluations, expertises, prises en charge courtes, au détriment des institutions accueillant en équipe des situations complexes nécessitant des interventions pluridisciplinaires pérennes….Pour reprendre les propos de Loriane Bellahsen, cela revient donc, en tout simplicité, « à financer l’abandon et à définancer le soin »….

• Face à la crise de la pédopsychiatrie, les Assises ont néanmoins décidé de financer 400 postes pour les 1500 CMP infanto-juvéniles du territoire, sans préciser les professionnels concernés. Toutes les autres structures sanitaires (structures hospitalières, hôpitaux de jour) ou médico-sociales (Centres d’Action Médico-Social Précoce, Centres Médico-Psycho-Pédagogiques, Instituts Médico-Educatifs, Instituts Thérapeutiques et Educatifs, etc.) ne sont absolument pas prises en compte, en dépit des pénuries majeures et de leurs conséquences dramatiques. La Fédération des CMPP a alors alerté le ministère de la santé, rappelant que les CMPP assurent chaque année l’accompagnement de 240 000 enfants (plus de 3 millions de consultations/an), soit un tiers des enfants suivis en ambulatoire en pédopsychiatrie en France, et alertant à nouveau sur l’état de saturation de nos structures face à une vague de demandes de prises en charges inédites. Voici la réponse sibylline de Mme LIEME, cheffe de cabinet de ministère : « il n’est pas exclu que dans certains territoires des CMPP puissent exceptionnellement bénéficier de ces crédits (création de 400 postes pour les CMP IJ), sur demande des ARS au regard de la configuration locale et de l’articulation de ces structures avec les CMP IJ »….OK, merci, ça c’est du bon soutien !

Pourtant, voici ce que rappelle le rapport de la Défenseure des Droits : 

« Les besoins des patients en soins de pédopsychiatrie ont plus que doublé en vingt ans alors même que la démographie des professionnels de la pédopsychiatrie tend à décliner. »

« Le nombre de patients suivis chaque année en psychiatrie infanto-juvénile a augmenté de plus de 60% en 20 ans, tous modes de prise en charge confondus (hospitalisation complète, hospitalisation partielle ou soins ambulatoires). Le nombre d’admissions en hospitalisation complète et partielle a plus que doublé en 15 ans. Le nombre de consultations en centre médico-psychologique, soins ambulatoires) a augmenté de 33% en 13 ans ».

« Les centres d’action médicosociale précoces (CAMSP) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), généralement gérés par des associations et cofinancés par l’assurance-maladie et les conseils départementaux proposent, en complément de la prise en charge des enfants, des actions d’accompagnement des parents (soutien psychologique, accompagnement aux démarches administratives, …). Cependant, du fait du manque de moyens et de l’explosion de la demande, les délais d’attente sont exorbitants et peuvent décourager les familles »

« Beaucoup de ces structures font face à un nombre important de postes vacants dans tous les domaines (pédopsychiatres, infirmières, psychologues, ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens) ».

« Ces situations retardent la prise en charge des enfants, dont la situation risque par suite de se dégrader, et d’aboutir soit à une crise – qui nécessitera une intervention en urgence, soit à une pathologie grave et installée – qui imposera une prise en charge plus lourde, plus longue et plus coûteuse. Le temps d’attente pourrait également décourager la famille et la faire renoncer aux soins, avec les mêmes conséquences dramatiques pour l’enfant ».

« En outre, la non prise en charge de l’enfant rencontrant des difficultés d’ordre psychologique entrave également l’accès à ses droits les plus fondamentaux : scolarisation partielle ou absence de scolarisation, difficulté dans les apprentissages, rupture des liens sociaux, etc. Ces situations sont également sources de souffrances pour les professionnels qui, dans l’incapacité d’accueillir certains enfants faute de place, ont le sentiment de faillir à leurs missions ».

« Du fait du nombre insuffisant de professionnels, des situations de surmédicalisation sont parfois évoqués par les acteurs », avec notamment une surprescription de traitements psychotropes. 

« La prescription de médicaments, légitime dans certaines situations, ne doit pas servir à pallier l’absence de personnels dans un service ou être entendue comme une réponse immédiate par défaut »

En outre, la Défenseure des Droits dénonce les « situations d’enfants maintenus en secteur hospitalier en l’absence de prise en charge par un établissement adapté faute de place (Institut médico-éducatif [IME] par exemple) au regard de l’importance des troubles psychiques ou du handicap ». « L’hôpital ne doit pas pallier les défaillances des institutions. Il faut donc développer encore l’offre médico-sociale afin que les enfants ayant des difficultés psychiques ou un handicap particulièrement lourd puissent être pris en charge correctement ». 

A l’heure de la plateformisation des soins, de la filiarisation par pathologies, de la ségrégation des parcours, de la dissémination hégémonique des Centres Experts, « la Défenseure des droits appelle (…) à agir urgemment pour sortir des approches fragmentaires », soulignant qu’ « il est urgent de dépasser les logiques de silos ». Les pouvoirs publics imposent donc, autoritairement, l’inverse de ce qui devrait être mis en place pour réellement prendre en charge la souffrance infantile de façon globale, au-delà des discours, des effets d’annonce, et des opportunités mercantiles.

Le rapport de Claire Hédon pointe donc, à nouveau, le détricotage méticuleusement planifié des institutions en charge de l’enfance (l’école, la pédopsychiatrie, la justice des mineurs et la Protection Judiciaire de la Jeunesse, l’Aide Sociale à l’Enfance, les services de Protection Maternelle et Infantile, etc.), favorisant de « multiples atteintes aux droits et à l’intérêt supérieur des enfants » ainsi qu’un « mal-être structurel » qui touche des millions d’entre eux. Face à ce sacrifice, les responsabilités politiques sont flagrantes et indéniables, en rapport notamment avec le « niveau d’investissement insuffisant que, de manière récurrente, notre société et ses institutions concèdent au bien-être des enfants »…

Le gouvernement a bon dos de faire endosser cette souffrance infantile collective à la situation épidémique. Dans la réalité, la crise sanitaire a davantage agi « comme un révélateur que comme un créateur de mal-être », et le caractère tragique de ce qui est observé actuellement n’est que la conséquence d’orientations politiques délibérées, entretenant les inégalités, la précarité, l’invisibilisation, le désinvestissement, le saccage des services publics, la marchandisation outrancière, etc.

Au final, on ne peut que souscrire au constat de la Défenseure des Droits : « tout déni de droit ou entrave à l’accès effectif aux droits fondamentaux, portent une atteinte à la dignité des enfants, et les conséquences notamment sur les plus vulnérables ne permettront pas à l’enfant de se développer sereinement. Il n’y a pas d’intérêt supérieur si on ne met pas l’enfant dans les bonnes conditions de développement »….

Même les professionnels les plus proches des arcanes du pouvoir et impliqués dans la coordination de la Commission Nationale concernant la pédopsychiatrie s’inquiètent des effets concrets des réformes en cours, au-delà de l’effet rhétorique. Ainsi, David Cohen, coordinateur du groupe pédopsychiatrie de la Commission Nationale de la Psychiatrie, Anne-Catherine Rolland, Présidente de la sous-section de pédopsychiatrie du Conseil National Universitaire, Jean Chambry, Président de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, et Christophe Schmitt ont-ils publié une tribune dans le Figaro,‌ en s’adressant directement au Président de la République. Au-delà du ton légèrement obséquieux et lèche-cul, alors qu’il devrait être à l’indignation et à l’accusation pure et simple, ces pédopsychiatres universitaires viennent cependant questionner l’effectivité et la pertinence des mesurettes annoncées au décours des Assises de la Santé Mentale :  « les financements annoncés correspondent en fait aux projets psychiatrie déjà retenus pour le Ségur de la santé et restés non financés toutes disciplines confondues. Or, toutes ces années de disette ont conduit bien des collègues ou des administrations hospitalières à ne plus demander d’investissements pour la pédopsychiatrie car presque toujours refusés hors apports extérieurs type Fondation des Hôpitaux ».

« S’agissant des 400 postes supplémentaires annoncés pour les Centres médico-psychologique, ceux-ci vont se mélanger dans les territoires avec les 1700 postes vacants actuels et ne constitueront donc pas une dépense nouvelle ». Belle entourloupe et tour de passe-passe ! 

De surcroit, du fait de l’absence de revalorisation des statuts et de la reconnaissance du travail effectué, nos collègues s’inquiètent légitimement de « l’attractivité en termes de salaire pour les professionnels de nos équipes : orthophonistes, psychologues, psychomotriciens, éducateurs, infirmiers, assistants sociaux ». 

Dès lors, « notre discipline reste inquiète et vigilante. Vigilante à faire les comptes réels des annonces et à l’égalité des efforts sur le territoire. Vigilante à ne plus émietter les moyens comme si parfois il fallait diviser pour calmer le ressentiment des professionnels et des familles »….

Dans « Le Monde »‌, des spécialistes de l’enfance dénoncent également le manque de moyens alloués par le gouvernement pour lutter réellement contre les violences éducatives et les mauvais traitements, au-delà de la loi votée interdisant ce type de comportements. De fait, cette « loi ne comportait pas une campagne d’information de la population, dont on sait qu’il faut l’associer à la loi pour modifier ces comportements très ancrés »….

Face à ces constats, les professionnels sont désabusés, indignés, vent debout pour défendre le soin, l’enfance, et la décence de nos institutions publiques.

Ainsi, en ce 18 novembre, suite à « l’Appel de la convention nationale du 25 septembre 2021 pour la défense du médico-social, de la psychiatrie et de l’accès aux soins pour tous », les professionnels ont manifesté leur indignation devant le ministère de la Santé, dénonçant le fait que « la politique mise en œuvre par le gouvernement, non seulement ne répond en rien aux besoins vitaux du service public de santé, mais plus encore, a pour résultat et pour finalité, la fermeture de nos établissements de soins.Ceux-ci sont remplacés par des plateformes, des équipes mobiles, ou pas remplacés du tout ». 

De fait, « la succession infernale des contre-réformes (T2A, Arrêtés, Décrets, Ordonnances…) du gouvernement et de ceux qui l’ont précédé, détruit les moyens et la qualité des soins ».

« Les listes d’attente ne cessent d’augmenter, alors que les professionnels de santé sont soumis à des diktats de « bonnes pratiques » au mépris de la pluralité des approches thérapeutiques qui ont fait leur preuve et de la complexité de l’humain ». 

L’Association française des psychiatres d’exercice privés’insurge également face à la mise à mal du sens des pratiques et au délitement des conditions de travail. « La psychiatrie hospitalière est exsangue, la pédopsychiatrie est malmenée par la politique de plateformes-Tout TND-Toute inclusion pourtant très largement critiquée ».

« Le soin, le sujet, la psychiatrie, la pédopsychiatrie ne sont plus pris en compte par les autorités hormis comme un domaine d’investissement, de nouveaux marchés et de profits hors soin ou anti-soin, sans égard aucun envers les patients et les professionnels. Il s’agit plus particulièrement d’une mise à mal des institutions et des services publics au profit de projets sans prise en compte de l’existant, ni ancrage territorial qui reposeront sur des financements individuels, par les patients ou leur famille et par les assurances complémentaires. L’outil de soin que constitue l’institution, indispensable pour de nombreux adultes ou enfants dont les conditions sociales et/ou familiales et psychiques ne permettent pas de s’en passer est particulièrement attaqué (fermetures de plus en plus nombreuses de lits hospitaliers, d’institutions-cmpp, ime.. ) »

« Nous ne pouvons laisser les patients et les familles se perdre dans des « parcours » qui sont une proposition de consommation et d’offre d’outils souvent illusoires. Cette conception exclut l’accueil d’une souffrance, et ne correspond pas à une démarche engagée et éthique du soin »

Mêmes constats du côté de la Fédération SUD Santé-Sociaux : « le gouvernement fait semblant de prendre la mesure du constat pour pousser plus avant ses politiques de casse du secteur de la psychiatrie et du médico-social ». 

« Les politiques actuelles attaquent les publics fragiles et vulnérables. Elles attaquent les professionnelles. Elles attaquent nos métiers. Elles attaquent le soin et le lien social ».

« Numéros verts, applications, guichets, plateformes ne soignent pas ».

Quant à la Fédération des CMPP, elle rappelle que, « à l’heure de la crise sanitaire actuelle, nos établissements, déjà saturés, font face à une vague de demandes de prise en charge inédites. Les familles, les écoles, les plateformes, les médecins généralistes et les pédiatres nous adressent massivement de nouvelles demandes d’accompagnement. A l’image de l’ensemble du secteur médico-social, les CMPP sont touchés de plein fouet par l’épuisement des personnels et les difficultés croissantes de recrutement sur les professions médicales et paramédicales »….

Suite à la manifestation des professionnels du 18 novembre, une délégation a effectivement pu être reçue au ministère, par deux interlocuteurs non mandatés pour répondre aux revendications, ne connaissant pas du tout la situation, les métiers ou les structures impliqués, dans une pièce close au sous-sol du ministère…A nouveau, la seule réponse gouvernementale semble être le dédain et la déconsidération…

Tous les voyants sont au rouge, des drames incarnés se vivent au quotidien, mais nos bons gouvernants se félicitent et s’enorgueillissent encore de leurs belles fumisteries, la main sur le cœur.

Comme toujours, les effets d’annonce, l’enflure médiatique, les beaux discours face aux caméras, ne sont pas suivis de mesures probantes sur le terrain. Partout, on nous vante, avec suffisance et sentiments, l’inclusion, la bienveillance, le souci, le respect des professionnels, etc. Dans les faits, on ne peut que constater délaissements iniques et mépris institués. A coup de modernisation, on démantèle, on détruite, on abandonne, on économise…Après tout, les enfants ne votent pas, ne protestent pas, ne manifestent pas…Des images et des sourires suffisent, de l’enfumage. Et puis on les laissera moisir à la rue, chez eux, relégués, sans avenir. Il y a des choses bien plus importantes, les dividendes, la croissance, les profits. Que les enfants suivent notre belle mélodie, on saura bien s’en débarrasser. 

Un concept vide, telle que celui de société inclusive, devient inévitablement de l’idéologie, de l’esbroufe politicienne, lorsqu’il n’est pas remis en cause à partir de l’expérience. Alors, peu importe le slogan, la formule, le mot d’ordre, ce qui importe vraiment, c’est ce qui se passe concrètement…

Face aux désastres, au sacrifice des enfants, continuons donc à nous battre pour faire vivre nos idéaux et nos horizons, à travers nos pratiques et nos engagements, au-delà des paroles creuse et satisfaites…

Dans un prochain billet, nous illustrerons cet état de fait abject par quelques exemples de maltraitance instituée…